sábado, 19 de abril de 2008

JEAA ( Judéo-Espagnol A Auschwitz )

En mars 2000, le professeur émérite, fondateur de la chaire de Judéo-espagnol à Paris 3 et survivant de la Shoah, Haïm-Vidal Sephiha enregistre à Auschwitz-Birkenau en compagnie d¹Anita Lasker Wallfish une émission pour France-Culture. Il y constate que parmi les 20 dalles du Mémorial d'Auschwitz-Birkenau, il manque cruellement celle en judéo-espagnol, langue maternelle de beaucoup des 120.000 à 160.000 victimes juives sépharades originaires des Balkans ou d'Europe occidentale et notamment de France et de Belgique.


Le 17 août 2000, le directeur du musée d'état d'Auschwitz-Birkenau écrit dans une lettre qu'il n'est "pas possible" de revoir la décision sur les dalles. Cette position est à nouveau confirmée le 18 mai 2001: "(Š) le Conseil (Conseil International d'Auschwitz) a soutenu sa décision précédente (début des années 90) décisive sur le nombre de dalles (Š)".


Haïm-Vidal Sephiha fonde avec Michel Azaria, l'association J.E.A.A. (Judéo-Espagnol A Auschwitz). Ils lancent le 13 septembre 2000 une campagne internationale de pétition sur papier et par Internet afin d'obtenir la dalle supplémentaire.

JEAA a recueilli les signatures de 4.600 personnes (dont 26% par Internet) vivant dans 47 pays; France: 36%, USA: 17%, Belgique: 13%, Argentine: 8%, Espagne: 6%. JEAA a également reçu le soutien de près de 70 organisations de 11 pays dont 3 organisations fédératrices nationales (ex: en France, le CRIF). Lors de la signature sur le ), il est possible d'y inscrire des commentaires. Une copie de près de 250 commentaires souvent très émouvants sous forme d'un recueil relié de plus de 1.500 lignes sera remis à 5 destinataires: le Musée d'Auschwitz-Birkenau, le Mémorial de Yad Vashem (Jérusalem), le Museo Djudio (Musée juif) de Salonique, le ministère de la Défense / DPMA et le Centre de Documentation Juive Contemporaine.

Suite à un mémorandum rédigé par le JEAA, lu et discuté lors de la réunion du 10 septembre 2001 du Conseil International d'Auschwitz, la décision de principe d'apposition d'une 21ème dalle en judéo-espagnol est prise. Le JEAA est chargé du financement de la totalité de l'opération et de l'organisation de la cérémonie d'inauguration.

Après deux voyages sur place en 2002, l'inauguration a été fixée au lundi 24 mars 2003 au Mémorial d'Auschwitz-Birkenau. Le Consul Général des Etats-Unis à Cracovie a accepté l'invitation. Monsieur le Ministre de Villepin a indiqué que la France sera représentée (le Consulat Général de France à Cracovie est intervenu dans le projet pour sa résolution). Serge et Beate Klarsfeld seront présents.

Pour contribuer au travail de mémoire, le JEAA s'est engagé à réaliser 2 actions principales: 1. mise en place de la dalle; 2. rédaction et impression d'une publication, "Les Judéo-Espagnols, les chemins d'une communauté", en 2 éditions (français/judéo-espagnol et anglais /judéo-espagnol) qui sera distribuée en France, Grèce, Pologne, Israël, Etats-Unis etc.

JEAA bénéficie du soutien actif de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (Présidente : Madame Simone Veil) et du Ministère de la Défense (Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives).

MEMORIAL DE AUSCHWITZ-BIRKENAU

ESTRENO DE LA LAJA EN DJUDEO-ESPANYOL EL 24 DE MARSO DE 2003

Alokusion de Haïm-Vidal Sephiha

ERMANAS, ERMANOS, IJOS DE OMBRES!

Na, Trajika Ironiya, La Tierra Prometida Ke Mos Aparejavan Los Nazis!

Tierra, ande pretendiyan adjuntar las famiyas djudiyas.

En realidad, ande brutalmente fuimos guerfanos de padre, de madre i de todos los muestros.

Nueva Bavel, ande los ladridos nazis dominavan.

Tierra, ande "muestras karas - komo diziya Benjamin Fondane ¬ servieron de eskupidero a los S.S."

Tierra de servidumbre sin esperansa de un Moshe salvador.

Yegado aki el 22 de septembre de 1943, a los tres diyas, sinti en supito "mi dulse lingua natal", kuando, yevando tuvlas en una anda, mi kompanyero de afriision me grito: ³Ayde²!

Era un Selanekli. Nunka mas iva a verlo.

Me afito daynda de avlar muestra lingua, i sovre todo, para ganarme media supa, de kantarla kon la romansa de mi madre: "arvoles yoran por luvias".

57 anyos despues de mi deportasion,
en marso 2000,
aboltava kon espanto
en esta tierra de afriision.

57 anyos despues, me aferrava
el silensio estruidor
de esta fabrika de muerte.

57 anyos despues, me egzijiyan
las bozes de los miyos.
aki, en este Memorial.
faltava la laja en djudeo-espanyol.
Chapteado, indinyado, no puediya akseptar tal absensia!
Kon Michel Azaria i unos kuantos amigos, fondimos la asosiasion J.E.A.A.
(Djudeo-Espanyol en Auschwitz), asosiasion ke yevo kon tenasidad, la aksion en favor de esta laja.
Oy estamos arrekojidos delantre deya.
Oy estan gravadas aki, para siempre, las dulses sonoridades de muestra lingua ke, al zeman, ansina kantava el Haham Bashi de Turkiya, Haïm Bejarano:

A ti lingua santa
a ti te adoro,
mas ke toda la plata,
mas ke todo oro,

Tu sos la mas linda
de todo lenguaje.
A ti dan las siensias
todo el ventaje.
Kon ti nos rogamos
al Dio de la altura,
Patron del universo
i de la natura.

Si mi puevlo santo
el fue kativado,
kon ti mi kerida
el fue konsolado.

Oh toi langue sainte
oui toi, que j'adore
plus que tout l'argent,
plus que tout l'or (du monde)

De toutes les langues
tu es la plus belle
de toutes les sciences
tu es admirée.
Avec toi nous prions
le Dieu d'en haut,
le Patron de l'univers
et de la nature.

Certes, captif fut
mon Saint peuple,
mais avec toi, mon aimée
il fut consolé.


MÉMORIAL D'AUSCHWITZ-BIRKENAU

INAUGURATION DE LA DALLE EN JUDÉO-ESPAGNOL LE 24 MARS 2003

Allocution de Haïm-Vidal Sephiha
SOEURS ET FRÈRES HUMAINS!
Voici, Tragique Dérision! La Terre Promise Que Nous Destinaient Les Nazis!
Terre, où ils prétendaient réunir les familles juives.
En fait, où brutalement nous fûmes orphelins de père et de mère et de tous les nôtres.
Nouvelle Babel, où les aboiements nazis dominaient.
Terre où "nos visages -comme disait Benjamin Fondane - servirent de crachoir aux S. S."
Terre d'esclavage sans l'espoir d'un Moïse sauveur.
Arrivé ici le 22 septembre 1943, le surlendemain, je retrouvai soudain "ma douce langue natale" lorsque, portant des briques sur un brancard, mon compagnon de misère me lança "ayde!", en avant! C¹était un Salonicien. Je ne devais plus le revoir.Il m'arriva encore de parler notre langue, et surtout, pour gagner une demi-soupe, de la chanter. J¹entonnais alors la57 ans après ma déportation,

en mars 2000,

je revenais avec effroi

sur cette terre de misère.

57 ans après, me happait
le silence tonitruant
de cette fabrique de mort.

57 ans après, me réclamaient
les voix des miensŠ
ici, au MémorialŠ
manquait la dalle en judéo-espagnol.
Choqué, indigné, je ne pouvais admettre pareille absence!
Avec Michel Azaria et quelques amis nous créâmes l'association J.E.A.A. (Judéo-Espagnol À Auschwitz), association, qui mena, avec ténacité, l'action en faveur de cette dalle.
Aujourd'hui, nous voici réunis devant elle.
Aujourd¹hui sont gravées ici, à jamais, les douces sonorités de notre langue ainsi chantée jadis par le Grand-rabbin de Turquie, Haïm Bejarano:

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SEPHIHA, Haïm-Vidal
52, rue des Aulnes - 92330 SCEAUX
Tél. et Fax: (1) 47 02 47 07 courriel :hv.sephiha@wanadoo.fr

Février 2005
Chers amis,

Un grand merci à tous ceux qui m¹ ont témoigné leur amitié pendant ces utilissimes cérémonies. Si je le fais avec retard , c¹est que
POUR MOI, LE MOIS DE JANVIER EST UN MOIS DE DEUIL, parce que, il y a exactement 60 ans, j¹agonisais assis sur un tas de cadavres bien secs, sur lesquels je me trouvais à l'abri des vivants , qui se faisaient la guerre pour une miette de pain dans ce wagon ouvert du train que j’ai baptisé « de la Méduse », couvert abondamment de couvertures abandonnées par les morts, qu'elles fussent pouilleuses ou ensanglantées , et m'efforçais d¹économiser mes forces, espérant m¹en sortir malgré la faim/fin , le froid et mon état de mort-vivant, m¹accrochant à ce 28 janvier, comme un noyé à une planche, allant me répétant « mais non, mais non,Vidal tu ne vas pas crever le jour de tes 22 ans!?... mais non, mais non,Vidal tu ne vas pas crever le jour de tes 22 ans!? » et ce, tant éveillé que dans mon sommeil, sommeil bientôt habité par les plus beaux rêves de ma vie, il va de soi de compensation.
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Para mi, kada anyo, el mes de djenayo es mi mes de luto, este anyo, ainda mas.
Sesenta anyos atras, en djenayo de 1945, estava sentado sovre un monton de puerpos, en estos trenos de la muerte, ke yo yamo DE LA MEDUZA, komo « Le radeau de la Méduse », yendo de kampo en kampo asigun la veluntad de los SS, ke bushkavan un lugar ande vaziar muestros restos.
Estonses, yo echava las ultimas bokeadas, agonizava ensima de este monton de kalavrinas resekas, mamparado de los bivos, ke gerreavan entre eyos por una migaja de pan, en este vagon avierto, muy bueno kuvierto kon las kolchas abandonadas, por los muertos, afilu ke fueran empiojadas o ensangrentadas, i me esforsava de ekonomizar mis fuersas, esperando salir a bash malgrado la ambre, el friyo i mi hal de muerto/bivo, aferrandome a este 28 de djenayo, komo un aogado a una tavla, i iva diziendome, « Ama no, ama no, Vidal, no vas a morirte djusto el diya de tus 22 anyos ! » « Ama no, ama no, Vidal, no vas a morirte djusto el diya de tus 22 anyos ! » I esto, despierto o durmiendo, un suenyo ke fue presto povlado por los eshuenyos mas ermozos de mi vida, siguro, de kompensasion.
Haïm-Vidal SEPHIHA

Per me, ogni anno, il mese di gennaio è il mio mese di lutto, ancora di più quest' anno.

60 anni fa, nel gennaio del 1945, ero seduto su di un mucchio di cadaveri, in questi treni della morte, che io chiamo «DELLA MEDUSA », come « LA ZATTERA DELLA MEDUSA », andando di campo in campo secondo la volontà delle SS che cercavano un posto dove svuotare i nostri resti.

Per questo non sentirete la mia voce nei prossimi giorni.



Per me, il mese di gennaio è un mese di lutto, perché, esattamente 60 anni fa, agonizzavo seduto sopra un mucchio di cadaveri rinsecchiti, sui quali mi trovavo protetto dai vivi, che si facevano la guerra per una briciola di pane in questo vagone aperto del treno che ho battezzato « della Medusa », abbondantemente coperto con le coperte abbandonate dai morti, anche se erano pidocchiose od insanguinate, e mi sforzavo di economizzare le mie forze, sperando di uscirne malgrado la fame/fine, il freddo ed il mio stato di morto vivente, aggrappandomi a quel 28 gennaio, come un annegato ad una tavola, ripetendo a me stesso : “ma no, ma no, Vidal, non vorrai mica crepare il giorno dei tuoi 22 anni? ma no, ma no, Vidal, non vorrai mica crepare il giorno dei tuoi 22 anni? E questo, sia da sveglio che nel sonno, un sonno presto abitato dai più bei sogni della mia vita, chiaramente di compensazione.


Para mi, cada año, el mes de enero es mi mes de luto, este año todavía más.

Hace 60 años, en enero de 1945, estaba sentado sobre un montón de cuerpos, en estos trenes de la muerte, que yo llamo DE LA MEDUSA, como « LA BALSA DE LA MEDUSA », yendo de campo en campo según la voluntad de los SS, que buscaban un lugar donde vaciar nuestros restos.

Por esto no oiréis mi voz en los próximos días.



PARA MI, EL MES DE ENERO ES UN MES DE LUTO, porque hace exactamente 60 años, yo agonizaba sentado sobre un montón de cadáveres resecos, encima de los cuales estaba protegido de los vivos, que guerreaban entre ellos por una migaja de pan en ese vagón abierto del tren que he llamado « de la Medusa », bien cubierto con las mantas abandonadas por los muertos, aunque fueran piojosas o ensangrentadas, y me esforzaba en ahorrar mis fuerzas, esperando salir de allí a pesar del hambre/fin, del frío y de mi estado de muerto en vida, agarrándome a ese 28 de enero, como un ahogado a una tabla, e iba repitiéndome “pero que no, pero que no, Vidal, no querrás morir justo en el día de tus 22 años? pero que no, pero que no, Vidal, no querrás morir justo en el día de tus 22 años? Y esto, despierto o durmiendo, un dormir que fue rápidamente poblado por los sueños más bonitos de mi vida, está claro, de compensación.



For me, each year, January is my month of mourning, even more so this year.

60 years ago, in January 1945, I was sitting on a pile of corpses, on these death trains that I call “of the Medusa as in “The raft of the Medusa, going from camp to camp according to the will of the SS who were searching for a place to empty our remains.

For this reason you will not hear my voice in the coming days.



FOR ME, JANUARY IS A MONTH OF MOURNING, because, exactly 60 years ago, I agonized seated on top of a pile of dried corpses, on whom I found myself protected from the living, fighting among themselves for a crumb of bread in these open wagons of the train I called “"of the Medusa", abundantly covered with the covers abandoned by the dead, even if they were full of lice or covered in blood. I forced myself to save my strength, hoping to survive despite the hunger/end, the cold and my own state of living dead, clinging to this 28th of January, as one shipwrecked clings to a table, repeating to myself: “but no, no Vidal, you wouldn't want to die on your 22nd birthday would you? But no, no Vidal, you wouldn't want to die on your 22nd birthday would you? And this, both awake and asleep, a sleep soon occupied with the most beautiful dreams of my life, clearly as compensation.
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